Dames du DOC

Mireille Dansereau reçoit le Prix Albert-Tessier 2022

On applaudit! On célèbre! On Salue!

 
Notre chère Mireille Dansereau, pionnière parmi les pionnières, infatigable et talentueuse, défonceuse d'écran de verre, inimitable et déterminée, voit son talent et son œuvre récompensés par le Prix Albert-Tessier.

Mireille Dansereau a commencé à faire du cinéma en 1967 en présentant un court métrage, Moi, un jour, à l’Exposition universelle. Elle effectue ensuite une maîtrise en cinéma au Royal College of Art de Londres en Angleterre où elle reçoit en 1969 le premier prix du National Student Film Festival de Londres pour son film Compromise. De retour au pays, elle réalise La vie rêvée, en 1972, qui a véritablement lancé sa carrière et qui lui a mérité plusieurs prix, à Toronto et à l’international. Déjà, dans ce film on pouvait voir les thèmes qui lui seront chers: le questionnement des images, le corps féminin, le sexisme et la recherche du père.

Réalisatrices Équitables te salue, Mireille Dansereau, et remercie ta fougue et ton audace. Tu as pavé la voie, avec d'autres, nous permettant aujourd'hui de rêver, nous aussi, et de projeter des éclats de nous sur les grands écrans qui tapissent nos imaginaires.

Le prix Albert-Tessier est la plus haute distinction attribuée à une personne pour sa contribution remarquable au domaine du cinéma au Québec. Les disciplines reconnues aux fins de ce prix sont notamment la scénarisation, l’interprétation, la réalisation, la production, la composition musicale et les techniques cinématographiques.

Les récipiendaires des Prix du Québec 2022 ont été dévoilés le 2 novembre. La cérémonie de remise des prix a eu lieu le 30 novembre au Palais Montcalm. Les ministres Pierre Fitzgibbon et Mathieu Lacombe ont rendu hommage aux 16 lauréates et aux lauréats.

En plus de l'hommage qui lui a été rendu, elle a reçu une bourse de 30 000 $, une médaille en argent créée par Ariane Marois, joaillière québécoise, un parchemin calligraphié ainsi qu'une épinglette en argent plaqué or.

Visitez la page officielle des Prix du Québec qui annonce le Prix Albert-Tessier remis à Mireille Dansereau

Visionnez le portrait de Mireille Dansereau, lauréate du prix Albert-Tessier 2022 (3min 17sec):

Visionnez la cérémonie des prix du Québec 2022:
(Présentation du prix Albert-Tessier et discours de Mireille Dansereau de 1:39:00 à 2:09:35 (10min 35sec))

Lettre de soutient à la candidature de Mireille Dansereau pour le Prix Albert-Tessier 2022

Le printemps dernier, à l’invitation de Stéphanie Jasmin, j’écrivais ceci pour une grande dame du cinéma.
- Sophie Deraspe, réalisatrice

Secrétaire des Prix du Québec culturels,
Ministère de la Culture et des Communications,
Membres du jury du Prix Albert Tessier,

C’est avec une certaine émotion que je prends la plume en appui à la candidature de Mireille Dansereau pour l’obtention du prix Albert Tessier.

J’ai connu Mireille Dansereau alors que je faisais mes débuts dans le monde du cinéma. En tant que directrice de la photographie, Mireille m’a accueillie dans son équipe alors qu’elle produisait, finançait, écrivait et réalisait le documentaire Eva. J’insiste sur le mot « accueillie », car c’est ainsi que Mireille m’a fait entrer dans son monde créatif comme dans sa maison. Pas que moi, mais tous ceux.celles qui se sont dévoués.es à faire en sorte que cette vétérane qui avait encore tant à accomplir, puisse mettre une autre fois un film au monde, malgré la marginalisation forcée dans laquelle elle se trouvait, à l’écart du milieu officiel du cinéma, de sa production comme de son financement.

Et pourtant… le cinéma que j’ai alors découvert, signé par Mireille Dansereau, en était un que je pouvais dès lors classer de chef d’œuvre québécois. La Vie rêvée est un rare témoin du monde tel que vu par un regard de femme, au début des années 70. À la fois percutant, politique et éminemment joueur et créatif, ce film traverse brillamment l’histoire. Moi un jour… son premier court métrage, daté de 1967, annonce déjà ce rapport du personnel au social, dans la façon d’entrer dans la vie en tant que femme désireuse d’être l’actrice principale de sa destinée.

Être femme dans un monde patriarcal, Mireille Dansereau ne l’a pas qu’exprimé dans ses films, elle l’a vécu en tant que femme cinéaste dans un milieu tissé de voix presqu’exclusivement masculines. Je n’y étais pas, mais je ne peux que constater la trop mince filmographie d’une cinéaste qui a si remarquablement lancé le cinéma québécois de fiction signé par une femme. Alors qu’elle était de la sélection de la Mostra de Venise avec Un sourd dans la ville, en 1987 (la seule femme aux côtés des jeunes David Mammet, Ermano Olmi ou encore Louis Malle, qui ont eu des carrières exceptionnelles) et alors qu’elle recevait des invitations dans les universités américaines, Mireille Dansereau n’a été citée dans aucun de mes cours d’Études cinématographiques à l’Université de Montréal (de laquelle j’ai obtenu mon diplôme en 1998), une institution pourtant reconnue pour sa spécialité en histoire et en théorie du medium.

Le besoin de créer chez Mireille Dansereau ne s’est jamais tarit, au point d’engager sa maison, sa famille et sa vie personnelle dans l’aventure parfois houleuse de faire des films. Je suis convaincue qu’elle et son œuvre ont souffert d’un manque de reconnaissance et de la mise de côté d’une défricheuse dérangeante et farouchement indépendante.

Non seulement j’appuie la candidature de Mireille Dansereau, mais je la juge incontournable.

Bien à vous,

Sophie Deraspe
Réalisatrice

Bravo Mireille pour cette juste reconnaissance qui t’est aujourd’hui rendue.

Biographie de Mireille Dansereau

Au fil des 55 dernières années, Mireille Dansereau s’est taillé une place unique dans l’histoire du cinéma québécois. Plus encore, elle a ouvert la voie à des générations de réalisatrices grâce à sa détermination et à son audace, en offrant comme modèles des œuvres authentiques, pertinentes et singulières. Possédant une habileté rare à fusionner avec subtilité le documentaire et la fiction, cette pionnière explore dans ses films les enjeux intimes comme sociaux. Le rapport au corps féminin, la famille, la relation mère-fille ou le suicide sont autant de thèmes abordés dans son œuvre vaste et variée, révélant une profonde sensibilité et une grande intégrité artistique.

Recevoir le prix Albert-Tessier représente pour Mireille Dansereau « une reconnaissance au Québec de [son] travail de 55 ans de cinéma ». « À mon retour de Londres, j’ai choisi de rester au Québec et de faire mes films en français, alors que j’avais des occasions en Europe », précise-t-elle avec fierté.

Mireille Dansereau attire l’attention comme cinéaste dès son premier court métrage Moi, un jour…, sélectionné au Festival du film de Montréal et présenté lors d’Expo 67. Ce film pose les premiers jalons thématiques de son œuvre cinématographique, dont la quête de liberté des femmes dans une société en changement. Puis, elle obtient une maîtrise du Royal College of Art de Londres en 1969. Au cours de ses années d’études en Angleterre, elle réalise 2 films, dont Compromise, lequel lui vaudra le premier prix du Festival international du film étudiant à Londres, ce qui est exceptionnel à l’époque pour une femme étudiant en cinéma.

De retour au Québec, elle cofonde en 1971 l’Association coopérative de productions audiovisuelles. En plus d’être la seule femme à participer à la fondation de cette organisation, elle devient l’année suivante la première Québécoise à réaliser un long métrage de fiction avec La vie rêvée, récompensé de plusieurs prix, à Toronto et sur la scène internationale. Ce film, qui porte un regard féministe tout nouveau sur la société québécoise des années 1970, lance véritablement la carrière de la réalisatrice. Avec lui s’amorce la création d’une longue série d’œuvres qui ne feront que confirmer la signature distinctive de cette figure majeure du septième art au Québec, faisant s’entrecroiser images de vie réelle, fictionnelle et instants de poésie.

Parmi ces œuvres, notons L’arrache-cœur (1979), dans laquelle elle aborde la relation mère-fille, thème récurrent dans sa filmographie, également exploré dans le moyen métrage Entre elle et moi (1992), exposant son rapport avec sa propre mère. Preuve de l’immense talent de la cinéaste à créer des films de grande qualité, aussi intelligents que touchants, les 2 œuvres ont récolté des récompenses, notamment la première avec un prix d’interprétation pour la comédienne Louise Marleau au Festival des films du monde. Le parcours de Mireille Dansereau est également marqué par son film Le sourd dans la ville (1987), adaptation du roman éponyme de Marie-Claire Blais qui met en scène une femme de famille aisée quittant son milieu pour s’installer dans un hôtel miteux. Ce film obtiendra une prestigieuse mention spéciale du jury œcuménique de la quarante-quatrième Mostra de Venise.

Bien d’autres œuvres importantes ont ponctué la carrière de la cinéaste féministe, l’une des premières au Québec. En font partie J’me marie, j’me marie pas (1973), 4 entrevues avec des femmes expliquant leur relation complexe avec les hommes, la maternité et leur féminité, de même que Les seins dans la tête (1994), Les cheveux en quatre (1996) et Vu pas vue (2018), dans lesquelles la réalisatrice explore le thème du corps féminin.

La cofondatrice de Réalisatrices équitables, entreprise qui défend la place des femmes dans le domaine du cinéma depuis 2007, est en outre à l’origine de films expérimentaux et novateurs, dont Les marchés de Londres (1996), créé à partir d’images tournées lors de ses études en Angleterre. Cette œuvre lui vaudra notamment d’être de nouveau invitée au Festival international du film de Venise et primée à Toronto.

Quel message Mireille Dansereau souhaite-t-elle transmettre à la relève? « N’attendez pas des années que les autres vous disent que vous avez fait un bon film. Continuez envers et contre tous. Construisez votre propre confiance en vous », recommande-t-elle. Pour être cinéaste, « il faut de la persévérance, de la détermination et du travail ».

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